No more (Jim) Morrison !
Sur France 5, hier soir, une interview d'Agnès Varda. Pour évoquer son séjour en Californie lors de l'été 67 (le fameux summer of love) et sa rencontre avec Jim Morrison, on diffuse un petit documentaire hagiographique sur les Doors et leur chanteur.
Je suis excédé par cette mythologie de la débauche, et par cette désastreuse confusion des valeurs. Moi-même "fan" des Doors quand j'étais adolescent (ou plutôt un simple amateur, car je préférais Led Zeppelin et les Rolling Stones...), aujourd'hui j'ai assez de recul et de lucidité, Dieu merci, pour identifier ce qui motivait mon intérêt, et pour ne plus lui accorder mon aval. La seule chose qui me paraît encore un tantinet recevable, ce sont peut-être deux ou trois chansons du dernier album, L.A. Woman, déjà mon préféré à l'époque, le plus proche du blues traditionnel et le plus éloigné des éructations et des gesticulations d'un Morrison qui commence à s'assagir, ou qui en tout cas se lasse des bacchanales psychédéliques-éthylliques de sa jeunesse, et dont la belle gueule de devil in desguise disparaît derrière une barbe.
Soyons honnêtes et avisés, et constatons : ce qui a fait le succès des Doors, c'est une apologie du chaos et de la destruction par un personnage sexuellement emblématique et charismatique, doublé d'un poète. Mais quel poète ? J'entends Mme Varda dire que c'était de la vraie bonne poésie, qu'on s'en est rendu compte quand on l'a lue dans un livre... Allons bon ! La vérité, c'est que Jim Morrison est un poète exécrable, et quand on le lit sur papier on s'en rend d'autant mieux compte (puisque dans les chansons, le n'importe quoi et la médiocrité sont plus faciles à faire passer pour de l'art). Le pseudo-poète confiait d'ailleurs lui-même, dans un de ses pseudo-poèmes, qu'il buvait pour pouvoir écrire de la (soi-disant) poésie. Aveu lourd de significations. Le vin n'a jamais écrit un seul poème, le whisky encore moins. Ce n'est pas parce qu'on est alcoolique comme Verlaine qu'on écrit aussi bien que lui ; on peut même s'interroger sur le point de savoir si le jeu en vaut la chandelle : quelques nobles rimes au prix de l'abîme, du martyr, de l'enracinement féroce dans le karma ? Et quel exemple pour la jeunesse ? Quelle valeurs culturelles et spirituelles pour notre société, pour notre civilisation ?
Cessons de perpétuer la promotion d'une star anti-salutaire : Jim Morrison était un névrosé (infiniment plus pathétique que charismatique, en réalité) dont la souffrance et le dérangement, libérés et exacerbés par l'usage des drogues et de l'alcool, a été cautionnée et ovationnée en tant que vecteur "artistique".
Cinquante années exactement nous sépareront très bientôt de ce summer of love qui a eu, par ailleurs, de beaux aspects, mais dont Jim Morrison représentait la face sombre. Il est temps de faire le deuil des rebellions adolescentes et de faire descendre de leur piédestal les idoles fumeuses et funestes.