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Un chapitre de Réflexions - Aperçus de la Gnose

Traducteurs et interprètes

 

   Tous les Maîtres et les Initiés sont des interprètes de la Gnose. S'ils sont dignes de leur statut d'Initiés, a fortiori s'ils sont des Maîtres, ils en sont des interprètes fidèles, par leurs écrits, leurs paroles et leurs actes ; la Doctrine sacrée pénètre jusqu'à leur corps et s'exprime dans toutes leurs activités.  
   Ils sont interprètes – et non pas traducteurs, comme je le suis moi-même en écrivant ces lignes. Le traducteur, qui transpose un langage dans un autre langage, est inévitablement un traître, comme l'affirme la formule italienne : traduttore, tradittore ; les deux mots signifiant "traducteur" et "traître" sont semblables à une lettre près. Le seul cas où le traducteur ne trahit pas, c'est quand il ne se borne pas à traduire mais qu'il crée ou recrée, à partir de l'œuvre initiale, une œuvre nouvelle, comme ce fut le cas avec Edgar Poe, en littérature. De fait, il se rapproche alors du statut d'interprète, mettant quelque chose de lui-même dans le discours qu'il restitue.
   Pour ce qui concerne la Gnose, il ne s'agit pas de traduire un langage ou une langue, mais de faire passer dans le langage (y compris dans celui du corps et des actes), quelque chose qui n'est pas du langage. Ceci suppose une qualité comparable à celle de l'artiste créateur. Aussi Maîtres et Initiés ne commettent-ils pas de trahison quand ils réussissent à rendre compte de "l'esprit de la Gnose", en fonction de leurs qualités propres (intérieures) et des contingences spatio-temporelles (extérieures) qui imposent à ladite Gnose de prendre telle ou telle forme, en tel lieu, à telle époque. L'artiste donne, dans une création originale, une interprétation de son inspiration (ou si l'on préfère du langage de la Muse avec lequel il entre en contact). Ce que l'Initié donne, cela peut être, dans certains cas, la traduction des textes, des paroles ou des actes d'autres Initiés, mais c'est surtout, dans le cas des vrais Maîtres, une création originale puisée directement à la source de l'Esprit, sans intermédiaire ou presque (ou dans des conditions telles que les intermédiaires – terrestres, en tout cas – sont dépassés et deviennent négligeables ou secondaires). Il faut souligner in fine que si un Initié ou un Maître est original et créateur et s'il fait passer la Doctrine au filtre de sa "spécificité personnelle", il n'exprime pas fondamentalement quelque chose de "personnel" qui sourd de lui-même, mais quelque chose qui transcende sa propre personne (et surtout sa personnalité), sans quoi son enseignement ne serait pas conforme à la Gnose et ne serait donc pas digne d'être entendu et suivi. Ce qu'il met de lui-même dans son interprétation de la Gnose donne à celle-ci une couleur ou une tonalité particulière, sans pour autant trahir ce que l'on pourrait appeler la pensée du soleil de la Gnose originelle

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